Kaisliba

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Chapitre 1 - Asaras


Chapitre 1 - Asaras

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Chapitre 1 ~ Asaras

Hugo (extrait de journal intime)

 

 

Le 25 août 2013,

 

Un Lammasu. Voilà trois ans que ce mot me hante. Trois ans qu'il se fraie un chemin en moi, glaçant mes veines, emprisonnant mes pensées, pétrifiant mes entrailles. Il y a quelques années, belle période de l'insouciance, j'étais un autre. J'étais normal. Je ne risquais pas à tout moment de blesser quelqu'un, de devenir un monstre. D'être enchaîné à quelqu'un, quelque chose. Maintenant, chaque jour, chaque heure, chaque minute est un supplice. Un pas de plus vers l'enfer. Vers ce monde qui n'est pas le mien et pourtant auquel j'appartiens. Car c'est bel et bien ça le problème. Je lui appartiens, corps et âme. J'essaie de lui échapper, mais il me retient en son sein. Je suis enchaîné. Avant c'était les filles, maintenant ce sont les [missions]. Avant c'était les potes, maintenant ce sont les ennemis. Avant c'était le fric, maintenant la survie. Je ne suis pas prêt. Je ne le serais probablement jamais. Il s'approprie ma vie, le montre. Il sera toujours là, quoi que je fasse, horrible bête insidueuse. Il est là, toujours à mes côtés, tel un spectre. Il se rappelle à moi, se manifestant lorsque j'ai le malheur de l'oublier. Je n'ai plus qu'une pensée, qu'une idée en tête, qu'un désespoir : je suis un Lammasu. Je suis destiné. Et rien ne pourra me sortir de là. Rien ni personne.



Ava


 
Il s'est passé tellement de choses en deux ans. Des choses... Des choses inexplicables. Surnaturelles. Inhumaines... J'ai fait des rencontres, je me suis dévoilée. J'ai changé, ma vision des choses a changé. Je me rends compte à présent que mon comportement était plus que néfaste. J'étais orgueilleuse et méprisante ; j'étais belle et je le savais.
 Mais avant de vous dire comment je suis devenue, je préfère tout vous raconter.
 Mon histoire a commencé le 25 Août 2014. C'est une date que je n'oublierai pas, à laquelle je repenserai chaque jour. C'était le jour même de mes dix-sept ans. Jusqu'à cette sombre date j'étais une adolescente enjouée, pleine d'humour et d'attention envers mes amis. J'étais appréciée au lycée, malgré le fait que je n'aie aucun petit ami. Je ne prenais pas vraiment soin de moi, je ne prenais pas la peine de me maquiller le matin : je m'attachais les cheveux à la va-vite, en queue-de-cheval, et j'enfilais un jean, un t-shirt et un pull. J'étais simple d'esprit, j'avais une excellente moyenne. Jusqu'à mes dix-sept ans... Je m'en souviens encore parfaitement.
 Le matin, je me suis levée à sept heures. Comme d'habitude, je n'ai pas pris la peine de me regarder dans le miroir trop longtemps et je suis partie travailler. Je bossais comme barmaid, avec mon meilleur ami Erik, qui avait trois ans de plus que moi. Je commençai mon travail normalement, lavant les verres, servant les clients - peu nombreux, il faut le dire. Une fille de mon âge, d'un style pseudo-gothique, s'asseya au bar et nous avons commencé à parler. Elle s'appelait Liv. Elle m'a proposé une cigarette, que j'ai refusée gentiment.
 Nous nous entendions bien et nous avons échangé nos numéros. Je me souviens qu'elle est restée deux ou trois heures, et qu'elle avait tapé dans l’œil d'Erik.
 En cours de journée, un flic est entré dans le bar et s'est approché de moi. Il m'emmena dans la réserve, et me fit m'asseoir.
 - Vous êtes bien Ava Hills ?
 Je hochais la tête. Il avait un air grave, et j'avais l'impression d'être dans une sorte de brouillard.
 - Je suis l'agent Woods. Mademoiselle Hills, vos parents sont morts dans un accident de voiture. Toutes mes condoléances.
 Il avait bien fait de me faire m'asseoir. Ma bouche s'ouvrit et se referma, comme un poisson hors de l'eau. Maman ? Papa ? Non. Non, non ,non. Impossible. J'avais l'impression que la terreur et la douleur traçaient un long sillon dans ma gorge. Le policier posa une main qui se voulait réconfortante sur mon épaule, mais je me dégageai d'un geste brusque. Je sortis de la réserve, puis du bar en courant et je rejoignis notre maison. Quand j'entrai, je sus qu'ils n'étaient pas là, mais je criai quand même :
 - Maman ! Papa !
 Pas de réponse. Pourtant, ça ne pouvait être qu'une blague. Ça pourrait arriver à n'importe qui, pourquoi nous, pourquoi notre famille soudée ? Je me rendais compte à quel point ces propos étaient égoïstes, mais je n'en avais que faire. Le policier, qui m'avait suivi, referma la porte derrière lui et me força à m'asseoir dans le salon.
 - Mademoiselle Hills, acceptez-le. Je vais faire venir un psy.
 Je ne voulais pas de psy. Je voulais juste mes parents. Qu'il aille se faire voir !
 - Je ne veux pas de psy. Laissez-moi.
 Il ne bougea pas.
 - LAISSEZ-MOI ! hurlai-je.
 Il finit par se lever.
 - Ne faites pas quelque chose de regrettable.
 Je l'ignorai royalement et quand, enfin, il sortit, je laissai couler mes larmes. De peu nombreuses elle devinrent un véritable flot. Je pense que ce fut à ce même moment que ma vie a basculé, a trouvé un autre rythme.

***

 

 Quand je me suis réveillée le lendemain, j'étais... déterminée. Déterminée à changer, à tout changer. A commencer par moi-même.
 Je me rendis au bar une demi-heure après, la mine sombre. Quand Liv entra, je lui fis signe de m'attendre dehors. Erik s'approcha de moi.
 - Ma chérie, comment te sens-tu ?
 Il m'avait toujours appelée comme ça, c'était un surnom amical, qu'il aimait à me donner.
 - A ton avis ?
 - Mal, j'aurai dû m'en douter. Mais... Tu as une nouvelle fougue.
 Je levai un sourcil railleur et le laissai sur place. Je rejoignis Liv, mes pensées encore embrouillées. Elle me tend une cigarette, que je prends cette fois-ci.

***

Voilà comment je suis devenue cette personne orgueilleuse, dédaigneuse et hautaine. C'est à ce moment que je suis devenue belle, je me suis maquillée, je traînais avec Liv. Je ne travaillais plus en cours, je répondais aux professeurs. J'ai complètement laissé tomber Erik, qui était pourtant mon ami d'enfance. Je m'aimais, mais d'un autre côté je me haïssais.


15/07/2014
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